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Nous n'avons jamais été européens. La guerre en Ukraine et le devenir européen
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Contre les tenants du postmodernisme, affirmant que le naufrage du récit moderne entraînant la chute de tous les "grands récits", e notamment de ceux fondés sur l'eschatologie d'un avenir tout autre (Grand Soir révolutionnaire, maîtrise technoscientifique totale ou retour primitiviste à la nature), Bruno Latour avançait qu'avant d'être postmodernes, il aurait déjà fallu être modernes et que cela, modernes, nous ne l'avons jamais été. C'est dans le même sens que nous voudrions dire : nous n'avons jamais été européens.
Que nous n'ayons jamais été européens, c'est une chose d'autant plus essentielle à comprendre qu'aujourd'hui, l'état du monde ravagé par la maladie et la guerre, fracturé par les mensonges que l'on fait passer pour vrais à force de les répéter, et les vérités que l'on fait devenir fausses à force de les relativiser, nous pousse - "nous autres européens" comme le disait Nietzsche sur le même ton ironique et mélancolique que "nous autres esprits libres" - à le devenir. Mais comment "européen" pourrait-il être un devenir? Comment les Européens pourraient-ils avoir à "devenir européens" s'ils le sont déjà? Et en quoi l'invasion par la Russie de l'Ukraine, le le 24 février 2022, marque-t-elle un nouveau moment, décisif et constitutif de ce devenir devenu étranger aux Européens eux-mêmes?
Voir le numéro de la revue «Esprit, 489, 05/09/2022»
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