L'anarchisme serait-il à la mode? On pourrait le croire en observant l'obsession de la police et des médias pour les "anarcho-autonomes", ou la place donnée aux drapeaux rouge et noir dans la révolte de la jeunesse grecque. Mais au fond, qu'est-ce que l'anarchisme? S'agit-il d'un cadre théorique, comme celui élaboré par Pierre-Joseph Proudhon, dont on célèbre ce mois-ci le bicentenaire de la naissance. Faut-il plutôt considérer l'idéologie d'organisations comme la Confédération nationale du travail (CNT) espagnole ou la Znjiren japonaise, enragées dans les combats de leur époque? Ou parle-t-on d'un courant de pensée plus diffus qui irrigue luttes sociales et culturelles, en leur impulsant ici un peu de radicalité, là un peu d'antiautoritarisme? Au point d'ailleurs d'être récupéré par nombre de dirigeants politiques de gauche se proclamant opportunément "libertaires". En réalité, toutes ces dimensions se combinent. Voilà qui explique peut-être le contraste frappant entre la faiblesse numérique des anarchistes dans la plupart de nos sociétés et la petite musique persistante de leurs idées.