L’Europe est la joie et la souffrance de la gauche socialiste et sociale-démocrate depuis l’après-guerre – son supplément d’âme qui la grandit et la déborde. Chaque génération de dirigeants et de militants s’est confrontée à la promesse européenne et à sa voie pavée de renoncements. Car l’idée européenne est une morsure lente qui ouvre une déchirure – jamais refermée – entre les fins et les moyens. L’Europe est un cas de conscience pour la gauche – l’horizon d’une certitude inébranlable ou la hantise d’une trahison séculaire.
Force est de dresser le constat d’une fidélité européenne de la gauche socialiste et sociale-démocrate pour qui la réaffirmation de la ligne européenne constitue un motif récurrent de joutes internes. Mais cette fidélité l’expose de manière croissante au poison de la contradiction avec soi-même. Pour les socialistes français, 1983 fut le choix cornélien de l’Europe au prix du tournant de la rigueur, c’est-à-dire de la soumission – temporaire, disait-on – à la justice des marchés. En 1988, afin de sceller le grand compromis avec les Allemands en vue de l’Union économique et monétaire (uem), la Commission européenne présidée par Jacques Delors, fort de l’accord des socialistes français et espagnols, libéralisa les marchés de capitaux en Europe – sans la contrepartie de l’harmonisation fiscale. Au Conseil européen d’Amsterdam de juin 1997, deux semaines après son arrivée à Matignon, Lionel Jospin consentit au primat de la stabilité sur l’enjeu de la croissance et de l’emploi au sein du Pacte de stabilité et de croissance exigé par l’Allemagne en échange d’un maigre habillage social et de la création de l’Eurogroupe, qui ne fut jamais un gouvernement économique européen…
Ce dossier comporte les articles suivants :
- La gauche face à la nouvelle génération (Benjamin Vendrand-Maillet)
- La gauche à l'épreuve de l'Europe. La voie de la double démocratie européenne (Nicolas Leron)
- Pour une démocratie de la technique (Chloé Ridel)
- Capitalisme, démocratie, soutenabilité : l'impossible équation? (David Djaïz)
- Savoir, vouloir, pouvoir... dans l'anthropocène (Dan Aleph)
- Pour un "républicanisme soutenable" Sortir du cycle néolibéral (Alexandre Escudier)
- Les dilemmes de la social-démocratie allemande. Entre néo-conservatisme et rétro-socialisme (Sophie Pornschlegel)
- Pourquoi la gauche est-elle faible en Pologne? (Anna Gromada)