En défilant pour contester la réforme des retraites imposée par le gouvernement de François Fillon, les jeunes font preuve non seulement d'une grande maturité, mais manifestent aussi leur commune préoccupation avec leurs parents et grands-parents. Comme a chaque fois, en pareille occasion, nombreux, parmi les adultes - au premier rang desquels des "responsables en responsabilité" - s'étonnent publiquement de la présence solidaire des jeunes alors même qu'il en va de leur devenir. ..
Le dilemme est vieux comme les jeunesses. Une société, qui n'attribue pas à "ses" jeunes une place en confiance, non seulement est inégalitaire et discriminante mais aussi incapable de se penser dans le futur, y compris proche.
Depuis trop longtemps, les jeunesses sont assignées à l'immaturité politique, sociale et intellectuelle. Elles subissent, générations après générations, des dénigrements portés à l'endroit de leurs expressions publiques. Ce trait indécent, bien français, relève probablement d'une sorte de bizutage citoyen connu et vécu du plus grand nombre (souvenez-vous...) où l'on cantonne publiquement et politiquement les impétrants à leur cour d'école. Au piquet citoyen Kevin. A la colle citoyenne Fatima. Un coup de règle Bouba? Vous reprendrez bien du flash ball Cheng? Or, ce sort n'est pas réservé aux jeunes. Il caractérise une démocratie à bout de souffle. Toute tentative visant à améliorer le dialogue entre élus et représentés est perçue comme une remise en cause de la mythique transsubtantiation politique qui transforme le parlementaire en incarnation de la nation. Mais si, collectivement, nous ne connaissons que trop bien les limites démocratiques du système, en va-t-il de même dans les interstices de nos vies?
Sommaire du dossier :Jeunesse, un temps à passer ? / Gilles Moreau
Du point de vue sociologique, quels sont les attributs et les droits de la jeunesse? En quoi se distingue-t-elle des autres tranches d'âge, quels sont ses activités, ses rituels et ses territoires spécifiques, comment ceux-ci ont-ils évolué dans le temps?
Territoires des jeunes délinquants / Gérard Mauger
C'est un lieu commun du cinéma : chaque "gang" contrôle un "territoire", chaque "cité" a son "caïd" qui sait tout sur chaque bâtiment de son empire. Qu'en est-il en France en 2010? Qu'en est-il pour les "délinquants" particulièrement "jeunes"?
Entretien avec Gérard Mauger
Jeunes de banlieues / Bernard Defrance
Comment vivent, pensent et agissent les "jeunes des banlieues"?
Bernard Defrance, professeur de philosophie, a exercé de nombreuses années dans des lycées des banlieues parisiennes, il réside en banlieue et a tenu pendant 22 ans une permanence de la CLCV (...). C'est-à-dire à quel point il est impliqué dans ce milieu qu'il observe depuis bien longtemps. Nous lui avons demandé de nous décrire les formes de cohabitation des "jeunes" avec les "adultes". Il a commencé par répondre en précisant qu'il n'est pas un banlieulogue, que son point de vue n'a rien de scientifique, disons que c'est celui, pour utiliser la métaphore médicale, d'un généraliste de quartier... Ecoutons son diagnostic et sa prescription.
Jeunes travailleurs dans leurs foyers, étudiants dans leurs cités-U... / Eric Daniel-Lacombe
Dans les foyers de jeunes travailleurs et les cités universitaires, le "projet de vie" des jeunes et le projet architectural sont si intimement liés qu'on ne peut considérer l'un sans l'autre. Il est pourtant apparu, au cours d'un travail d'évaluation inventive : 1. que la programmation et la conception architecturale de logements pour jeunes étaient portées par les dirigeants du foyer ou de la cité-U, l'architecte et le maitre d'ouvrage, sans tenir compte de l'expérience d'autres intervenants ni des intentions et désirs de leurs usagers.
Court récit de petits accomodements en colocation / Olivier Pégard
A travers le parcours de Martine, 24 ans, provinciale venue s'installer en région parisienne pouir son premier emploi.
Sociabilité et choix amoureux des adolescents / Marta Maia
Marta-Maia, docteur en anthropologie sociale et ethnologie, (...) a effectué une enquête ethnologique sur la sociabilité et les relations amoureuses d'adolescents de 14 à 20 ans, scolarisés dans la banlieue est de Paris, à Montreuil et Vincennes. Des entretiens individuels et de groupe ont été réalisés avec 78 élèves. Voici ses déductions.
Errance urbaine : l'envers du décor / David Le Breton
Depuis des années, des jeunes sac au dos, accompagnés de chiens ou de chats, parfois en couple, parcourent les non-lieux des villes, la zone, les interstices : squats, caves, rues, quais, halls de gare ou galeries commerciales. Ils hantent les lieux publics en demandant un peu d'argent. C'est leur errance, ses causes et ses motivations que nous relate David Le Breton.
Moins de 25 ans et technologies numériques / Jacques Perriault
Depuis 40 ans, la relation des jeunes avec les technologies numériques est devenue de plus en plus prégnante, dans la mesure où des progrès constants permettent d'offrir - en gros tous les 5 ans - de nouveaux appareils, logiciels et services, de plus en plus sophistiqués. A ce rythme, on ne peut plus parler de générations mais de classes d'âge. Les effets de cette évolution du "virtuel".
Politique du net / Dominique Cardon
Le Net attire de plus en plus d'utilisateurs dont de nombreux jeunes. Sont-ils pour autant passifs? Sont-ils formatés? Sont-ils soumis à l'ordre numérique? Même si le cyberjeune n'est pas le plus démuni et le plus marginal, il n'est pas pour autant l'ombre de lui-même ! Une culture et certainement une contre culture s'élabore sur la toile...
Braves garçons d'Afrique : "aider à avancer" / Bakary Sakho
Membre fondateur de l'association Braves garçons d'Afrique (BGA), fondée en 2001 dans le Quartier Riquet-Stalingrad du 19e arrondissement de Paris, Bakary Sakho, médiateur social, explique ici le rôle de son collectif, et sa volonté de permettre aux jeunes de s'ouvrir au monde. Il nous livre son regard sur la place des enfants issus de l'immigration dans une société française qui ne voit souvent que leurs problèmes, sans prendre en compte leur potentiel créatif.
La flash mob, rassemblement éclair ! / Marion Geney.
Dimanche 14 février 2010: des dizaines de personnes se pressent dans la cour carrée du Louvre autour d'un jeune homme donnant des consignes au mégaphone : "dès que la corne de brume retentit, vous vous immobilisez. Vous ne bougez plus jusqu'au second avertissement, puis vous vous dispersez". Le groupe rejoint le Pont des Arts où il se mélange à la foule. Soudain, le premier signale sonore se fait entendre. Les participants se pétrifient au milieu des passants surpris, incrédules, amusés. Cinq minutes plus tard, second appel, chacun reprend sa marche et disparait. C'était une flash-mob.
L'invention de la jeunesse / Thierry Jousse
Longtemps, le "jeune" n'a pas existé dans le cinéma français. Jusqu'à la fin de la Seconde guerre mondiale, seul ou presque Jean Viago a donné droit de cité à l'adolescence dans l'un de ses rares films, Zéro de conduite (réalisé en 1933 mais interdit par la censure jusqu'en 1945). Comment la jeunesse a-t-elle par la suite pris place - et quelle place - dans le 7e art?