Certains trouveront curieux que j’entame une réflexion sur le tragique en politique en évoquant le Traité Constitutionnel européen et les débats qu’il a suscités en 2005 au sein de la gauche européenne. Il est pourtant assez révélateur de la question que je voudrais aborder. On doit remonter loin dans le temps (dans mon souvenir, jusqu’au débat sur l’installation des missiles « Pershing » en 1984) pour voir les intellectuels progressistes se diviser aussi profondément. La lecture courante qui fut faite de la division entre partisans du « oui » et partisans du « non » au sein de la gauche, c’est qu’elle a simplement recoupé le clivage entre la gauche réformiste, social-démocrate, soucieuse de compromis et de solutions « réalistes », et la gauche radicale, intransigeante, héritière de l’esprit révolutionnaire. Mais si tel était le cas, celle-ci aurait dû sortir renforcée de sa victoire. Or, non seulement la gauche noniste n’a rien obtenu (le « non » a renforcé la « ligne Blair » à Bruxelles), mais elle n’a même rien tenté, rien entrepris - sinon, en France, quelques sordides et vaines manoeuvres en vue de la désignation d’un candidat à la Présidentielle.