Transformer ses matières premières plutôt que les exporter à des prix vils ou instables. Longtemps considérée comme la « voie royale du développement », l’industrialisation est aujourd’hui un enjeu marginal au sein des discours internationaux sur le développement. Révolution néolibérale, lutte contre la pauvreté et urgence écologique sont passées par là. Autrefois clé du « Nouvel ordre économique international » défendu par les forces se réclamant du « tiers-monde », elle a pris le rôle de « mère de tous les maux » - pollutions, exploitation des travailleurs et des travailleuses, expropriations… - dans le plaidoyer d’une certaine société civile post-industrielle. Il existe, dans ce domaine comme dans tant d’autres, un déphasage Nord-Sud indéniable : davantage que ses effets négatifs potentiels, ce sont les ingrédients du décollage industriel qui sont au centre des préoccupations des élites intellectuelles et politiques dans beaucoup de pays pauvres et émergents. En la matière, bonne gouvernance et libéralisation ne font plus recette, l’exemple est-asiatique démontrant le rôle décisif des politiques industrielles et des marges de manœuvre nationales. Si l’essor de la Chine fascine, il est aussi à l’origine du mouvement inquiétant de « désindustrialisation précoce » qui touche les économies latino-américaines et africaines. L’inversion de cette tendance est possible et ne dépend pas de la seule faculté des États à attirer les investisseurs étrangers en misant sur le moins-disant social, environnemental ou fiscal.