n ce début de 21e siècle, le statut de « puissance émergente » de l’Inde fait consensus. Sa relative modernité politique - élections libres, alternances et contre-pouvoirs autonomes - dans un pays fort d’1,2 milliard de citoyens, tend à valider sa prétention à incarner « la plus grande démocratie du monde ». La voie économique que le pays a empruntée depuis le début des années 1990, sans pour autant faire table rase du passé, revêt des accents néolibéraux clairement affirmés. Ce mouvement de réformes, qui s’est aussi traduit par une forte accélération de la croissance, répond du même coup à l’ambition de la nation de « retrouver son rang ». En quête d’un ordre multipolaire ajusté et d’une reconnaissance internationale (en particulier de la part des Etats-Unis), l’Inde oscille entre affirmation nationale et pragmatisme diplomatique, indépendance d’action et efforts d’intégration. L’« Inde qui brille » a toutefois ses revers. Les contradictions qui la traversent freinent la possibilité d’un développement équilibré. Les dynamiques de concentration de la richesse l’emportent sur les projets de redistribution. Les écarts se creusent entre riches et pauvres, entre régions, entre villes et campagnes. Au-delà, la fragmentation par castes et communautés religieuses, malgré des changements, reste source d’inégalités et attise le mécontentement des masses exclues. Pour « émerger » véritablement, l’Inde devra surmonter les lourdes contraintes sociales et environnementales qui pèsent sur son essor et relever les défis que pose la démocratisation de sa société.