Ce que visait Hiroshima, c'était mettre à genoux les peuples du monde entier devant la toute-puissance scientifique, militaire et industrielle. La célébration quasi unanime de la "nouvelle révolution scientifique" allait sceller dans la tombe des Hibakushas ce fait historique et couvrir un mensonge inédit par son ampleur : un crime contre l'humanité venait d'être commis, ce que la justice et l'histoire des vainqueurs allaient enjouir au coeur des inconscients avec tous les dégâts collatéraux que supposent les refoulements massifs. Or, Auschwitz et Hiroshima ont en commun non seulement de relever de la même imprescriptibilité morale, mais ont également en partage, ce que j'appelle les secrets de la famille occidentale. Depuis que la modernité orpheline du XIXe siècle a accouché d'u nouveau mythe fondateur (la lutte de tous contre tous comme moteur du progrès) et d'une dénégation de l'interdit du meurtre au fondement de toute civilisation (la biopolitique eugéniste), un point final, avec l'aval de la science, a été mis à la primauté de la pensée des Lumières et de l'humanisme classique. Cela constitue une des caractéristiques de ce que l'on nomme l'anthropocène et qui mériterait d'être étudié comme un fait social total.