La Revue Durable est consacré à un sujet largement délaissé : les émissions grises de la construction. Fabriquer, transporter et mettre en œuvre le béton, l’acier, le verre et autres matériaux de construction induit 11 % des émissions mondiales. En Europe, plusieurs pays, dont la France, créent des politiques publiques pour enrayer ces émissions. En Suisse, rien de tel pour l’instant.
C’est une grosse et grave lacune, car les moyens de mieux faire sont légion : moins démolir, réemployer les éléments de construction – y compris le béton –, introduire partout des matériaux biosourcés qui absorbent le CO2 : terre, paille, bois. La terre connaît une évolution prometteuse. Jeune togolais docteur de l’Ecole polytechnique de Zurich, Gnanli Landrou a cocréé la start-up Oxara qui commercialise un béton sans ciment.
Réalisé en coopération avec le laboratoire de construction durable de l’EPFZ que dirige le professeur Guillaume Habert, ce dossier inclut plusieurs calculs inédits. Notamment, rénover avec une isolation en paille la totalité du parc immobilier suisse chauffé aux énergies fossiles et à l’électricité directe amènerait 4 millions de tonnes d’émissions négatives de CO2 (10 % des émissions annuelles de la Suisse) et ferait chuter les émissions dues au chauffage de 95 %.
Ce dossier aborde également un sujet encore plus écarté du débat public : les émissions grises des infrastructures routières. Un article présente une estimation des émissions qu’engendreraient la construction des six projets autoroutiers que le Parlement fédéral a adopté en septembre 2023 pour un coût total de 5,3 milliards de francs : ils généreraient environ un million de tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions du canton de Neuchâtel en un an.
Si toutes les mesures que ce dossier présente sont appliquées – et si ces projets autoroutiers ne sont pas réalisés –, le budget carbone théorique du secteur du bâtiment suisse pour rester sous une hausse moyenne de 1,5°C sera respecté.
