Longtemps réservée aux élites, l’éducation secondaire s’est démocratisée dans les pays occidentaux après 1945 : le progrès social s’accompagnait alors d’une élévation des niveaux de diplôme. Puis la compétition scolaire s’est durcie avec l’apparition de nouvelles hiérarchies : entre filières, entre établissements, entre privé et public.
Certains gouvernements favorisent le « libre choix » des parents, au risque d’aggraver les inégalités. C’est le cas des Etats-Unis (lire « Volte-face d’une ministre américaine »). D’autres, comme le Japon, instaurent enfin la gratuité (« Quand les lycées japonais découvrent la gratuité »). En France, le pouvoir met en cause le statut des enseignants (« Feu sur les enseignants »).
Le rôle de l’enseignement secondaire fait débat. Doit-il fournir des compétences de base pour les nouveaux emplois non qualifiés, comme le suggère la Commission européenne (« En Europe, les compétences contre le savoir »), ou constitue-t-il un véritable enjeu de réduction des inégalités sociales et culturelles (« Et si l’école servait à apprendre... ») ?
Sommaire du dossier :
* Feu sur les enseignants / par Gilles Balbastre
Alors qu’aux Etats-Unis certains dirigeants — dont une ancienne vice-ministre américaine de l’éducation — critiquent la mise en compétition des établissements et l’évaluation des élèves, cette logique inspire les réformes françaises. Le gouvernement tente d’affaiblir le statut des enseignants, un corps traditionnellement revendicatif, en individualisant les carrières (lire A quoi sert l’éducation secondaire ?).
* Volte-face d’une ministre américaine / par Diane Ravitch
Lorsque je suis entrée dans l’administration de M. George H. W. Bush, en 1991, en tant que vice-ministre de l’éducation, je n’avais aucune idée arrêtée sur la question du « libre choix » en matière d’éducation ou sur celle de la responsabilisation des enseignants. Mais, lorsque j’ai quitté le gouvernement deux ans plus tard, je défendais le principe de la rémunération au mérite : j’estimais que les enseignants dont les élèves obtenaient les meilleurs résultats devaient être mieux payés que les autres. Je soutenais aussi la généralisation des tests d’évaluation, qui me semblaient utiles pour déterminer avec précision quelles écoles avaient besoin d’une aide supplémentaire. J’applaudis donc des deux mains quand, en 2001, le Congrès vota un texte allant en ce sens, la loi NCLB (« No Child Left Behind », pas d’enfant laissé sur le bord du chemin), et de nouveau lorsque, en 2002, le président George W. Bush signa son entrée en vigueur.
Aujourd’hui, en observant les effets concrets de ces politiques, j’ai changé d’avis : je considère désormais (...)
* Et si l’école servait à apprendre... / par Sandrine Garcia
u moment où l’Etat demande aux enseignants de faire mieux avec moins de moyens, les débats s’intensifient autour de l’idée d’efficacité scolaire
* Belles moulures et bon lycée / par Laurent Bonelli
« Sectorisé Henri-IV et proche du Jardin du Luxembourg, lumineux 5 pièces de 125 m√ situé au 4e étage avec ascenseur, double exposition est/ouest. Bel ancien classique : parquet, moulures, cheminées, 1 190 000 euros » ; « Idéalement située proche Panthéon et sectorisée Henri-IV, studette de 8,30 m√, 109 000 euros » ; « Appartement 2 pièces de 57 m√. Grand séjour, une chambre, cuisine équipée, SDB avec WC. Grande cave voûtée. Sectorisé Henri-IV. 810 000 euros ».
A en juger par ces petites annonces immobilières, la sectorisation scolaire à Paris apparaît comme un argument de vente, au même titre que les moulures, la luminosité ou la proximité du métro. Instaurée en 1963, elle liait — jusqu’à sa suppression progressive à partir de 2007 — l’établissement public de scolarisation au lieu de (...)
* En Europe, les compétences contre le savoir / par Nico Hirtt
Pour la Commission européenne, un objectif : préparer un vivier de main-d’œuvre flexible pour répondre aux besoins des entreprises en travailleurs peu qualifiés
* Quand les lycées japonais découvrent la gratuité / par Emilie Guyonnet
Tout juste votée, la gratuité de l’enseignement dans les lycées nippons ne résout pas tous les problèmes que pose un système à la fois profondément inégalitaire et violemment compétitif
* Menace ou opportunité
Début du XIXe siècle. L’économiste libéral français Frédéric Bastiat s’inquiète de ce que la notion de gratuité associée à « l’instruction » puisse constituer un premier pas vers l’abolition de la propriété privée.