La finance a mauvaise presse. En particulier en période électorale. Aussi le thème de la ville financiarisée peut-il d’emblée éveiller la suspicion. S’agit-il de dénoncer une nouvelle fois les formes de privatisation de la ville, dont les gated communities sont la pointe avancée ? Ou de faire l’éloge de la puissance créatrice des nouveaux opérateurs immobiliers qui multiplient les tours aux quatre coins du monde ? Pas du tout. Le point de départ de ce dossier n’est pas les formes urbaines, ou la disparition de l’espace public, mais les mutations du financement de la fabrique urbaine avec l’apparition de nouveaux acteurs. Comme l’expliquent Renaud Le Goix et Ludovic Halbert, qui ont coordonné ce dossier, “la financiarisation de la production urbaine est entendue comme le rôle croissant des marchés financiers et bancaires dans le financement, le développement et l’exploitation des espaces urbains (immobilier, grands équipements, infrastructures, projets urbains de grande taille)”.
En France, comme le rappelle Ingrid Nappi-Choulet, cette financiarisation commence dans les années 1980, avec l’arrivée d’investisseurs étrangers, notamment japonais ou moyen-orientaux. Et elle prend un nouvel essor avec la crise des bureaux du début des années 1990, quand les fonds “vautours” anglo-saxons viennent racheter les créances douteuses des banques françaises ou les bureaux vides des immeubles “plantés”…
Depuis, les processus se sont sophistiqués, le spectre des acteurs s’est élargi avec les fonds souverains, mais la fabrication de la ville résulte toujours d’interactions entre autorités publiques, locales et nationales, et intervenants privés. La grande différence avec les années 1980, c’est que, désormais, tous les acteurs raisonnent dans le cadre des mêmes contraintes financières, même si les uns cherchent en permanence à les dépasser alors que les autres ont le souci de les optimiser à leur profit. C’est donc un paysage en mouvement que ce dossier s’efforce de saisir, en ouvrant un espace de discussion critique sur un processus apparemment irrésistible, mais dont la régulation s’avère nécessaire afin que demeure le droit de cité pour tous.
Sommaire :
Capital financier et production urbaine
Esquisse d'une histoire de la financiarisation immobilière et urbaine
De la transparence fiscale à la financiarisation de l'immobilier
Concilier logiques financières globales et ancrage local
Rentabilité et projet urbain
L'ancrage du capital financier dans les villes suisses
Subprimes, copropriétés et barbecue...
Le vrai visage de la financiarisation du logement en France
Les PPP et l'urbain : extension du domaine de la finance?
Le marché du patrimoine public
L'aménagement métropolitain sous contrainte financière
La ville à 7%
Les banquiers nous manquent
Ville et finance : quoi de neuf?